Publication
Names
  • Hélène Salomon
  • Emilie Chalmin
  • Aurélie Chassin de Kergommeaux
  • Claire Chanteraud
Title
Constitution d’une « pigmentothèque » : un outil pour comprendre l’approvisionnement en matériaux colorants durant la préhistoire
Abstract
Fréquemment présentes dans les dépôts archéologiques depuis la fin du Moustérien et utilisées dans l’art pariétal à partir du Paléolithique supérieur, les matières colorantes semblent s’inscrire au coeur des sociétés préhistoriques dans différentes pratiques (techniques, artisanales et symboliques). La plupart des peintures des sites ornés recensés dans la région du sud-est de la France (une trentaine de grottes et d’abris-sous-roche) ont été réalisées avec un mélange de matières riches en oxydes de fer pour obtenir une large gamme de nuances de couleurs du jaune au rouge. Pour désigner ces matières colorantes, l’utilisation fréquente des mots « pigment » ou « ocre », parfois abusive, implique un type d’usage (réalisation de peintures ou de cosmétiques) mais ne permet pas de décrire objectivement ces matières, temps que les problématiques et les recherches se concentrent sur les applications, soit le segment terminal des chaînes opératoires. Les matières colorantes présentent un certain nombre de propriétés physico-chimiques (propriétés sensibles visuellement et au toucher, d’ordre mécanique et colorantes principalement) qui permettent de les transformer, de les façonner, de les réduire en poudre, de les mélanger avec d’autres substances, de les appliquer sur différentes matières ou de les utiliser comme matière-outil. De la source d’approvisionnement jusqu’à la réduction en poudre, ces actions de transformation induisent des modifications irrémédiables de la structure pétrographique de la ressource minérale d’origine. Si l’étude de ces matières colorantes par des méthodes physico-chimiques couplées aux approches classiques de pétrographie est à même de renseigner sur les déplacements des groupes humains, au même titre que d’autres matériaux (matières siliceuses destinées à être taillées, fossiles), ce type d’analyse requiert au préalable de bien connaître les gîtes d’approvisionnement existants, en s’attachant à en décrire les spécificités, les variations verticales et latérales et en cherchant à restituer l’évolution de leur accessibilité au cours du temps. Par la grande diversité des caractéristiques des matières premières colorantes mises au jour dans les différentes sites archéologiques, il nous est d’ores et déjà possible de conclure à l’existence passée de plusieurs sources d’approvisionnement. Pourtant notre connaissance des gîtes d’extraction et des formations géologiques qui ont orienté les choix de matières premières colorantes reste encore peu développée et lacunaire. C’est pourquoi nous avons mis en place une équipe qui travaille depuis 2016 à la construction d’une Pigmentothèque, dont l’objectif repose sur la connaissance des matières colorantes naturelles provenant dans un premier temps d’une zone comprise entre les gorges de l’Ardèche et du Gardon où se concentrent de nombreux sites ornés et des sites d’occupation durant le Paléolithique. Dans cette aire géographique, qui fait office de laboratoire pour la mise en place de la Pigmentothèque, il est alors possible de renforcer la connaissance des ressources minérales ferrugineuses par un aller-retour entre les collections archéologiques et les formations géologiques nombreuses et plurielles. Cette région présente en effet une partition des ensembles géologiques et géomorphologiques qui offre un terrain d’investigation privilégié pour distinguer les matières riches en oxydes de fer en fonction de leur genèse et de leur évolution. Depuis 2016, les contextes géologiques investigués et l’aire géographique explorée ont été étendus à travers la région Auvergne-Rhône-Alpes et, ponctuellement, au-delà (Ile-de-France, Languedoc-Roussillon- Midi-Pyrénées), à la faveur des fouilles archéologiques auxquelles participent les membres du projet. L’enjeu de l’établissement d’un référentiel de ressources minérales colorantes repose sur la capacité d’établir, pour chaque gisement ou groupe de gisements, une carte d’identité qui soit suffisamment pertinente et singulière, en prenant en considération leur dynamique pour ensuite faire des rapprochements concordants avec les matières colorantes cohésives trouvées en fouille. Bien que basée sur des méthodologies existantes, l’originalité de la construction de cette Pigmentothèque est bien de s’intéresser à la diversité et à la pluralité des matières naturelles présentant des caractéristiques reconnaissables à différentes échelles pour les comparer à des roches colorantes trouvées en fouille en contexte d’habitat et/ou d’art rupestre. La difficulté d’établir un tel référentiel réside en particulier dans la très grande richesse et la grande diversité des matières premières susceptibles de produire des pigments exploitables durant la Préhistoire, la modification des gîtes au cours du temps (en particulier suite à l’érosion et aux exploitations minières récentes) et l’envergure parfois très limitée de certaines formations et des affleurements (Fig. 9.2). Il est donc important de s’appuyer sur une documentation robuste des formations géologiques, des exploitations dont elles ont fait l’objet au cours du temps (documentation minière) et de procéder à des prospections en multipliant l’échantillonnage et en considérant différents contextes géologiques et géomorphologiques. Pour faire une comparaison entre les sources potentielles et les différents matériaux archéologiques, il est essentiel de s’appuyer sur la complémentarité des signatures pétrographique, minéralogique et chimique.
Keywords
pigments, spectroscopy, rock art, raw material, geochemistry, petrography
Content
material-matter, spectral data, earth sciences, other application
Document type
scientific report
Year
2019
Pages number
199
Publisher
Laboratoire EDyTeM, Université Savoie-Mont-Blanc
Publisher city
Le Bourget-du-Lac
Publication state
internal
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Scientific report: DRAC Service Régional de l’Archéologie de la région Auvergne Rhône Alpes